4e A et 4e C : L'affaire du chlordécone, dossier pour le jeu de rôles
Dossier
informatif
Doc.1 : « Chlordécone et trémolite s’inscrivent dans une histoire durable de violences coloniales invisibles »
Dans sa chronique, l’anthropologue Michel Naepels rapproche
l’utilisation de l’insecticide à
caractère perturbateur endocrinien* dans les Antilles françaises
et celle d’une
roche proche de l’amiante utilisée en
Nouvelle-Calédonie.
Les
échanges vifs entre Emmanuel Macron et Victorin Lurel, sénateur de la
Guadeloupe, qui ont eu lieu le 1er février
à l’Elysée lors du volet outre-mer du grand débat national sur le chlordécone ont eu le mérite de rappeler l’histoire stupéfiante de cet
insecticide organo-chloré (de la famille du DDT).
La production de cette
substance a été interdite aux Etats-Unis dès 1976 en raison des troubles
neurologiques subis par les ouvriers et riverains de l’usine d’Hopewell qui la
fabriquait.
Son
caractère de perturbateur endocrinien est établi.
Il fut pourtant utilisé
intensivement aux Antilles françaises de 1973 à 1993 pour lutter contre le
charançon du bananier, grâce aux autorisations successives de quatre ministres
de l’agriculture.
La vente du chlordécone y est finalement interdite en 1990,
mais son usage demeure autorisé jusqu’en 1993.
Sa présence
persistante dans les sols et les eaux de rivières est à l’origine de la contamination de certains
aliments (oiseaux, poissons, coquillages et crustacés, racines et tubercules).
Suivant un processus classique de bioaccumulation* dans la chaîne alimentaire
des produits toxiques (que les organismes ne parviennent pas à éliminer), le
chlordécone se retrouve le polluant
le
plus répandu dans le sang des Antillais ; plus de 90 % de la population adulte
est contaminée.
Le Centre
international de recherche sur le cancer (l’agence spécialisée de l’OMS) a
classé le chlordécone comme cancérogène possible en 1979. La Guadeloupe
et la
Martinique présentent le plus fort taux de cancers de la prostate au monde, et,
dès 2010, certaines études scientifiques établissent une association positive
entre chlordécone et cancer de la prostate, dont celle publiée dans le Journal of Clinical Oncology (volume 28, no 21,
20 juillet 2010, p. 3 457 à 3 462) […]
Doc.2 : Le chlordécone empoisonne les Antilles
Utilisé
pendant plus de 20 ans sur les plantations de Guadeloupe et de Martinique, le
chlordécone -dont on connaissait pourtant les effets nocifs sur la santé-
a
contaminé la terre et les eaux de ces îles avec des conséquences sanitaires et
pathologiques désastreuses.
C’est un poison qui s’écoule depuis la cime des arbres, glisse sur les
feuilles de bananiers et s’infiltre
dans
les sols de Guadeloupe et de Martinique, avant de fuir
et de se propager,
encore, suivant le cours des eaux.
Cette
molécule toxique, répondant au nom barbare de chlordécone, a été massivement
utilisé entre 1972 et 1993 afin de protéger les plantations de leur ennemi,
le
charançon.
C’est
donc par milliers de litres que ce pesticide a été déversé sur les cultures
antillaises afin d’assurer récolte et prospérité.
Les Antilles contaminées pour des siècles
Selon
les spécialistes elle peut survivre jusqu’à 700 ans! Il faut dire que l’on a
découvert au début des années 2000 que le chlordécone avait non seulement
infecté les sols, mais aussi, les rivières et une partie du littoral
marin. On retrouve donc cette substance dans les poissons et crustacés
mais aussi dans les fruits, légumes, consommés chaque jour par les antillais.
Avant les langoustes, ce sont les rougets, brochets, ignames et patates douces
qui ont été déclarés impropres à la consommation. Par une triste ironie du sort, la banane,
elle, reste comestible.
Aujourd’hui
plus de 90% des habitants de Guadeloupe
et de Martinique sont contaminés par la
molécule toxique, avec des conséquences sanitaires terrifiantes.
Les
deux îles connaissent ainsi le plus fort taux de cancer de la prostate au
monde.
Pour
vous donner une idée, ce type de cancer est deux fois plus fréquent aux
Antilles qu’en Métropole.
Ce poison qui se transmet essentiellement par
voie alimentaire, touche même les bébés en gestation.
Les études menées
montrent que le chlordécone augmente le risque de prématurités mais qu’il a aussi des effets
négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons.
Un poison connu de longue date
On
connaissait pourtant le potentiel nocif de ce produit. Dès 1979 l’Organisation Mondiale de la Santé classe
le
chlordécone comme un agent cancérogène, un neurotoxique et un reprotoxique. Deux ans plus tôt,
les Etats-Unis
bannissaient l’usage du perturbateur endocrinien et fermaient l’usine de
production du pesticide, après avoir établi que les ouvriers travaillant sur le
site avaient développé des troubles neurologiques et testiculaires du fait de
leur exposition prolongée.
En
France métropolitaine, il faut attendre 1990 pour que les pouvoirs publics
prennent leurs responsabilités
en interdisant le produit; et ce n’est qu’en
1993 que le chlordécone est banni des plantations antillaises.
Sous la pression
des lobbies*, les gouvernements successifs ont continué d’autoriser un produit
dont on connaissait pourtant l’impact désastreux sur la santé.
Un scandale d'Etat
Certains
parlent même d’un scandale d’Etat. C’est le cas, notamment, de l’eurodéputé Eric Andrieu, qui préside la commission
spéciale du parlement européen sur les pesticides, et qui explique que la France a même
demandé des dérogations auprès de l’Union européenne afin de continuer à
utiliser le pesticide aux
Antilles.
Mais on
aurait tort de croire que cette histoire a provoqué un électrochoc chez nos
gouvernants.
En 2016, la France a
effectué pas moins de 58 demandes de dérogation*, contre 10 en moyenne chez les
autres pays européens. Comme bien souvent l’histoire bégaie et les nouvelles
menaces identifiées pour notre santé continuent d’être épandues sur nos champs sans que cela ne provoque de
véritable remous.
En
témoigne la tentative infructueuse de faire passer un amendement visant à
l’interdiction du glyphosate.
Portée pourtant par un élu de la majorité, cette
proposition prévoyait la fin de
l’utilisation du glyphosate en France
d’ici à trois ans, tout en conservant la possibilité de dérogations pour que
les agriculteurs ne pâtissent pas trop violemment de cette interdiction.
Elle
permettait surtout de tracer un chemin clair vers la sortie du glyphosate à
moyen terme.
L’amendement
a cependant été torpillé par un rapporteur et un ministre de l’agriculture
invoquant inexorablement les mânes du développement économique.
Une
posture qui révèle surtout le manque de volonté du gouvernement face à la toute puissance des lobbies et
l'incapacité à inventer un modèle qui préserve les intérêts des agriculteurs comme
la santé des Français.
27/09/2018
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